Hugues Dupriez

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L'agroécologie, on la vit, la voilà !

Ingénieur agronome (Leuven), spécialiste de l’agronomie tropicale, initiateur de l’association Diobass, Ecologie et société, auteur et éditeur de nombreux livres, fondateur des éditions Terres et Vie et des Carnets écologiques.

Pionnier de l’agroécologie, amoureux de l’Afrique et de la nature, peintre, sculpteur,  animateur de promenades et de fêtes mémorables et… animiste à ses heures.

Né à Leuven, le 4 décembre 1939 - Décédé à Uccle, 29 octobre 2020 à l'âge de 80 ans

80 années de vie et une empreinte, une œuvre singulière, de presque 60 ans en faveur du monde rural africain et, plus largement, d’une vision et d’un pratique de l’agronomie et du développement.

Une pédagogie aussi, celle du concret et de la rencontre des savoirs et des cultures, de la délibération et de la vulgarisation au service de l’autonomie paysanne, d’une agroécologie qui se découvre et se réalise avant même que le mot n’existe. 

Etopia met ici a disposition de tous les livres et les Carnets écologiques qu’il a écrit ou co-écrit et publiés aux éditions Terres et Vie afin qu’ils puissent servir durablement.

Les acteurs du monde rural, comme les passionnés du développement et des techniques agronomiques, y trouveront informations et inspiration écologique.

Nous conservons également ici une série de témoignages et de vidéo évoquant sa personnalité, son travail et ce qu’il continue à inspirer.  

Hugues Dupriez

Patrick Dupriez

Un jour, les vieux nous laissent...

Et sous le grand baobab leur silence bruisse.

Un jour les anciens déposent les cadeaux et les fardeaux de nos chemins partagés.

Un jour les vieux nous laissent poursuivre seuls ou pas vraiment avec les fondations et les brisures avec la glaise et les mots qui nous ont façonnés.

Un jour les vieux nous laissent soudain, pantois, ressentir intensément le flot et le flux de la vie qui nous emportent et nous traversent.

Ils nous laissent avec le vide et le dense de ce qu'ils firent, de ce qu'ils furent.

Un jour le vieux me laisse mais son souvenir bien planté arbre et tambour remuant la poussière africaine et goûtant la pluie brabançonne.

Un jour mon vieux nous laisse seuls mais ensemble, frères, sœurs, compagnes, enfants et il nous revient de prendre soin de ce qu'il a semé ici et là-bas, de libérer ce qui a manqué ou blessé.

Un jour le vieux me laisse avec l'empreinte de son enfance, de sa vieillesse et de tout le reste entre les deux.

Le vieux nous laisse un matin de tristesse, et le jour, plus que jamais, est à la tendresse.

Hommage à son père, le 29 octobre 2020

Michelle Favart

Mère de ses enfants et complice dans la réalisation de ses écrits et de son engagement humaniste, Michelle témoigne :

Hugues a commencé sa vie professionnelle au Congo, à Kinshasa, comme enseignant à l’Université Lovanium. Malgré ses escapades sur le terrain, cette vie entre quatre grands murs ne lui convenait pas.

Rentré en Belgique, ses recherches de travail l’ont conduit vers la Cinam, à Paris, où Bernard Lecomte fut son premier conseiller pour forger son avenir d’agronome.

Après avoir pris la précaution de se marier, il part pour le Cameroun, d’abord comme enseignant, puis comme agronome de terrain.

Il aimait découvrir les savoirs paysans et voulait faire de ceux-ci des paysans-chercheurs pour parvenir à la sécurité alimentaire et à l’autonomie financière. Là, c’est Paul Schrumpf qui continuera à forger sa pensée.

C’est au Cameroun aussi que sont nés nos deux premiers enfants, Ygaëlle et Patrick.

Vint alors un entre-acte de 18 mois en Belgique, dans ce qu’il a appelé le « panier aux crabes », c’est à dire le Centre de Recherche en Economie Rurale de l’UCL, encore installée à Leuven.

Là, naît notre troisième enfant, Benoît.

L’appel de l’Afrique se faisant pressant, départ pour la Côte d’Ivoire pour un travail au Ministère du Plan, avec de fréquents séjours dans les villages, toujours pour mettre en relation, ou en confrontation, la théorie scientifique occidentale et la longue expérience des paysans et paysannes.

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Et c’est à Abidjan qu’arrive notre quatrième enfant, Damien.

Durant ces 3 années au Cameroun et 3 années en Côte d’Ivoire, l’appui et l’amitié de Bernard Lecomte et de Paul Schrumpf furent déterminantes dans son parcours et nous nous revîmes souvent, en France ou en Belgique, avec Renée et Marielle, pour refaire le monde mais surtout pour le questionner et essayer de le rendre plus juste et plus « durable » comme on dit maintenant.

Ensuite, vint une période de plus de 40 ans de va et vient entre des missions dans 14 autres pays et la rédaction d’une dizaine de livres d’agronomie tropicale et de 12 Carnets Ecologiques, dans sa petite Maison d’édition personnelle: « Terres et Vie ».

Quant aux nombreux séjours dans les villages africains, mais aussi du Pérou, de Chine et d’ailleurs, il y fit des analyses peu orthodoxes, opposées à celles de la Coopération au développement officielle. Les expériences pratiques qu’il demandait de réaliser secouaient bien souvent les mentalités, tant des «intellectuels» que des villageois. Je pense qu’il s’en réjouissait… 

Je me souviens, lors du seul atelier d’une semaine auquel j’ai participé, de la gêne des responsables d’ONG présents lorsqu’il leur a demandé de braver la forte pluie pour observer le « splash » des gouttes d’eau sur le sol, lequel allait entraîner latérisation ou ravinement, c’est à dire perte de fertilité.

Il m’avait parlé aussi de ce jour (au Burkina ou au Sénégal) où, avec sa complice Mariam Sow, il avait refusé de commencer un atelier tant qu’on ne faisait pas venir les femmes pour y participer. Il savait qu’elles étaient les premières concernées puisque c’était elles qui cultivaient.

Il me semble que son génie particulier a été de voir les nombreux différents éléments qui intervenaient dans l’agroéconomie des villages: les mélanges de cultures, les problèmes fonciers, le rôle de chaque tranche d’âge et celui des femmes, les rapports avec les autorités tant coutumières que politiques, les traditions, etc. Il n’avait de cesse d’apprendre à les connaître, d’en rechercher les côtés positifs et négatifs et d’inciter à les harmoniser, autant que possible.

Les témoignages que nous recevons disent qu’il en reste quelque chose.

A cet instant encore, il en est heureux.

Colette Braeckman

Colette qui l’a tant aimé, écrit dans son carnet en hommage à Hugues : « Terres et Vie » dans ces trois mots, tout était dit, et aujourd’hui la terre est toujours là, la vie va continuer sans lui, mais le chemin est tracé.

Il a planté des arbres, il a cultivé ses amours, il a chéri ses enfants et petits-enfants, il s’est souvenu de ses amis si chers, proches ou lointains, il se rappelait tous les combats partagés. 

Sous l’arbre de sa vie, abrités par les longues branches de la mémoire et de l’amour, nous sommes ensemble, une fois encore, physiquement mais aussi dans les airs et les réseaux. Mais surtout nous sommes avec lui. Sans prévenir, son cœur a lâché, mais ceux qui sont ici comme ceux qui sont au loin savent qu’il est toujours là.

Il faut le répéter pour conjurer le chagrin : nous sommes ensemble et dans l’ombre du baobab, Hugues donne place à chacun d’entre nous… Lire la suite : Le carnet de Colette Braeckman - En hommage à Hugues Dupriez

Thierry Carton

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En octobre 2018, j’écrivais à Hugues ces quelques mots…

Depuis longtemps, je me promettais de t’écrire ce petit mot de reconnaissance envers toi, pour avoir été une des personnes qui ont balisé ma vie, d’attentions à mon égard, d’interpellation à penser et agir en cohérence avec la valeur de respect des personnes et de leur environnement.

Notre dernier échange téléphonique, m’a rappelé cette intention que je concrétise par la missive d’aujourd’hui. Nous parlions de l’influence que tu as eue sur les personnes qui t’ont côtoyé pendant toutes ces années de partage et de remise en cause des savoirs.

Voici ce qui en est pour moi.

RDC - 1992 - Adi-Kivu – La recherche participative

Tout a commencé en 1992 à Katana au Sud-Kivu, avec le séminaire d’échanges des savoirs entre paysans, techniciens et ingénieurs agronomes dont tu assurais l’animation et surtout, en garantissais la cohérence concrète de valeurs humanistes où toute personne a un savoir, une capacité à comprendre, une intelligence à résoudre ses propres problèmes, dans l’échange, la dignité et non dans la dépendance.

J’ai apprécié dès ce moment, l’importance du concret dans la pédagogie active qui s’illustrait par les fameuses maquettes pour « avoir l’objet dont on parle sous les yeux ! ». Ce qui voulait aussi dire, tenir compte des réalités locales.

Tu m’avais invité à réaliser avec ma première caméra (à l’époque dite « caméra légère ») un reportage sur ce séminaire dont Adi-Kivu s’appropriait la méthode. Je venais juste d’auto apprendre les bases de la réalisation audio-visuelle.

C’est là que j’ai fait la connaissance de Sylvain Mapatano, Maps, qui s’était arrangé pour que je puisse faire le montage au centre de recherche en sciences naturelles de Lwiro, au calme. J’ai découvert ce cadre étonnant par sa forme architecturale, un patio central avec fontaine et ferronnerie pour les bâtiments de recherche et, le guesthouse avec une porte en bois massif sculpté, datant de la colonisation. Lors d’un petit déjeuner avec argenteries (!), je pense avoir conversé avec Mgr Tshibangu, ancien recteur de Lovanium – Kinshasa qui me raconta qu’il avait parfois commandé des fraises du Kivu, par avion !

Sans qu’il y ait une demande de ma part, Adi-Kivu me gratifia d’une belle reconnaissance financière, alors que je me considérais comme réalisateur « amateur débutant » !

L'ONG Adi-Kivu avait organisé une session d’échanges de savoirs entre agriculteurs, éleveurs, techniciens et ingénieurs agronomes, sur les problèmes de la culture et de l’élevage. L’action se situe à Kavumu et à Ikoma près de Bukavu. Des invités du Burundi, Rwanda, Burkina Faso, Belgique et Allemagne participent avec les agriculteurs éleveurs à la recherche action paysanne, initiée entre autre par Hugues Dupriez (Diobass AI et Terres & vie - Belgique).

L’agriculture familiale répond dans la durée, au respect des Personnes, à leur Culture, aux enjeux de sécurité alimentaire et de nourritures saines, au défis social et environnemental, à l'opposé des entreprises de l'agro-business Lire Agrobusiness, poison de l'Humanité ?


Sénégal - 1994 - Enda Pronat - Et si on écoutait la terre ?

De retour en Belgique, tu proposas à Enda Pronat au Sénégal de m’engager pour la réalisation d’un documentaire sur les principes généraux de la démarche Diobass à l’occasion d’un séminaire d’envergure puisqu’il allait se dérouler pendant plusieurs semaines avec un grand nombre de participants venant de trois régions du pays et des invités étrangers africain et européens.

A cette occasion, j'ai eu le plaisir de faire la connaissance de Mariam Sow.

Je me rappelle les 2 premiers jours où les ingénieurs, techniciens agronomes, les animateurs et autres chercheurs universitaires ont été plongés dans un désarroi profond suite à l’idée qu’ils n’étaient pas venus pour enseigner mais pour partager dans le sens de donner et… recevoir ! Ambiance particulière où il leur avait été dit qu’ils auraient plutôt intérêt à écouter les paysans, et sur le terrain, d’entendre des agriculteurs se plaindre que les « cadres » refusaient de leur partager « leurs  expertises » !

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Avec Sylvain Mapatano et ...

Plus tard à l’université lors de formation en relations humaines, j’ai constaté ces mêmes instants de déstabilisation des stagiaires où pour inviter à une autre manière d’être en relation, j’enlevais les tables pour se mettre en cercle afin de représenter symboliquement mon appartenance au groupe avec comme seule différence, le rôle et les fonctions de l’animateur qui invite au partage des savoirs.

Un des moments forts a été ce matin ayant pour thème le problème de l’érosion éolienne, qu'à peine arrivé sur le champ d’un paysan, un ingénieur agronome conseilla de planter des arbres dont aucun agriculteur ne connaissait l’existence, sans s'informer du contexte social local, sans écouter les savoirs et les propositions paysannes et de s’informer d’où venait le vent ! 

Oups, il n’avait pas vraiment intégré la démarche.


Je me rappelle la chouette visite à Dakar d’un centre de recherche agronomique où le cycle de vie du doryphore avait été clairement expliqué par la dame. Elle présenta une solution pour « écologiquement » lutter contre l’envahisseur, un piège à phéromone dont elle précisait que le support pouvait être autre chose que le beau plastique de démonstration.

Simple n’est-ce pas ? A la question où se procurer ce truc, la réponse fut simple : à Londres ! Complètement décalé par rapport aux réalités …

Burkina Faso - 1996 - Koumbri - Vies de femme

A Baisy-Thy, tu avais écouté mon souhait de vivre une expérience de réalisation participative, cette fois en associant complètement à la réalisation une organisation locale afin de vérifier l’intérêt de ce média pour l’éducation par l’image.

Assuré que je prenais tous les frais à ma charge, la réponse fut immédiate : Pas de problème, il y a prochainement un séminaire au Burkina Faso que je vais animer, je peux t’y introduire ! Le thème de cette année est la problématique de la mère et de l’enfant. 

C’est ainsi que j’ai vécu trois semaines passionnantes avec l’équipe locale, seul « Nassara » du village.

Venant de Ouagadougou où il faisait chaud, j’ai été surpris le lendemain matin de mon arrivée nocturne au village, de voir bon nombre de personnes portant parka d’hiver et bonnet de laine au point où je me suis amusé à penser à une caméra cachée ! En fait, j’ai subi une variation de température rapide de -10 voire, -20°C qui a provoqué la seule extinction de voix de mon existence, tant j’ai eu froid !

Le matin, en moto, direction vers un village pour échanger avec des femmes sur un sujet de vie à laquelle elles étaient confrontées avec une traduction simultanée d’une des animatrices et la réalisation l’après-midi du clip avec les mêmes personnes jouant leur propre rôle.

Une des séquences m’avait fortement impressionné : en 5 plans et une minute 30, une maman enceinte, un bébé au sein, assise avec un très jeune enfant agrippé à sa jupe. Son mari arrive et l’interpelle durement : Femme, tu n’as pas encore préparé le repas ? Dernier plan : la femme, se lamente et dit : il ne se rend pas compte combien je suis fatiguée…

Montage dans la salle de l’association et projection tous les 2 jours à l’occasion du marché, sur le pickup sur lequel une table était posée pour supporter une télévision trouvée dans le village et une radio faisant hauts parleurs. Le bricolage à l’africaine.

Le mur de la salle de l’association derrière l’installation renvoyait le son et réduisait celui du groupe électrogène. De projection en projection, il y avait plus de personnes venues de plus loin.

Je me rappelle l’inquiétude à ne pas pouvoir faire le montage de la séquence du jour dans les délais parce qu’il était difficile de tenir une réunion « efficace » sans être interrompu soit par un des animateurs qui se levait pour faire la prière de 5 heures, soit par des personnes qui voyant la porte ouverte venaient saluer l’équipe.

Ayant exprimé mon sentiment, la réponse fut simple. Ta communication « efficace » n’est pas « efficacement » adaptée à la situation parce qu’après ton départ, nous, nous aurons à expliquer aux personnes pourquoi nous ne les avons pas saluées !

Une formidable expérience

Les séminaires Démarche Diobass m’ont permis une plus grande clairvoyance sur les enjeux de la formation humaine et d'acquérir les fondements de la pédagogie active qui y est développée où toute personne est importante.

Ces situations m’ont beaucoup aidé lors des formations dites de « développement personnel » que j’ai données au département Formations en compétences relationnelles, transversales et humaines à l’Université de Lille - France, en Belgique et en RD Congo.

Je me rappelle le slogan « Moderniser sans détruire » à l’entrée des bureaux du Groupement Naam à Ouahigouya au NO du Burkina Faso.

A l’Université de Lille, j’ai participé à la réalisation de documentaires sur base de la démarche Moderniser Sans Exclure, sans exclure les personnes qui habituellement restent dans l’ombre parce qu’en bas de la pyramide des classes sociales et intellectuelles au sens livresque du terme ; une démarche qui fut initiée par Bertrand Schwartz, délégué interministériel à l'insertion professionnelle et sociale des jeunes en difficulté en 1981 en France.

La valeur fondamentale sur lequel reposent toutes ces formations est l’humanisme où la Personne est au centre de toutes choses, bien avant les savoirs, les richesses matérielles, le statut social ou professionnel, etc.

C’est suite à l’expérience acquise lors des séminaires Diobass, que j’ai proposé la création des centres audiovisuels 3TAMIS Bukavu et CAVKalemie en RD Congo dont la finalité est l’éducation à la citoyenneté, à la critique du discours, à la Culture.

J’ai eu le plaisir de faire la connaissance de Michelle, une autre source d’inspiration et, d’être invité à Nivelles ou chez lui  et à l’Horloge du Sud pour des soirées de rencontre avec des personnes de qualité, moments privilégiés parce que l’occasion d’élargir mes perceptions sur le Monde.

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Hugues avec Franck Mweze - 3TAMIS, en 2007 à Nivelles

29 octobre 2020 : Et le jour, plus que jamais, est à la tendresse

Je me souviens de ses passions, de son franc-parler, de ses convictions exprimées avec force. Il m’appartient de laisser de côté ses positions qui me paraissaient trop tranchées, excessives, pour n’en retenir que celles qui me conviennent. 

Voilà quelques mots pour le remercier de m’avoir accueilli d’aussi belles manières au cours de mes aventures africaines. Je reprends ce que Patrick a partagé superbement, le 29 octobre 2020 : Et le jour, plus que jamais, est à la tendresse.

Benoît Lecomte

Une prière ou une pensée pour notre ami belge Hugues Dupriez qui nous a quitté hier dans sa 80ème année.

Il aura marqué par sa vision (celle d'un paysan africain perçu comme un chercheur plein de savoirs), sa passion de vulgariser, sa force de caractère, son sens de l'accueil, son sourire et son humour, ... des générations d'amis du monde rural africain.

Ses livres, dont certains de véritables bibles qui se transmettent de père en fils, édités par sa maison d'édition Terres et Vie resteront des références concrètes pour beaucoup et pour longtemps !


Que la terre, qu'il savait et voulait si vivante, lui soit légère !

Bernard Grabbé

Un jour le vieux nous laisse...

Avec Hugues Dupriez, c'est l'un des pères de l'agro-écologie tropicale qui s'en va.

Hugues retourne à une terre qu'il a tant soignée. Qu'elle lui soit légère.

Ses cours à la place Croix du Sud ont contribué à façonner nos parcours d'agronomes; ses ouvrages restent incontournables, aux côtés de ceux de René Dumont et Dominique Soltner.

Ils nous ont accompagnés de Ndioum à Tombouctou, de Nam Tan à Kampala en passant par Madagascar et l'équateur. 

Hugues Debolster

Hugues aura été quelqu'un d'important pour moi, une sorte de père spirituel en matière de développement en Afrique, capable de me montrer, de nous montrer d'autres voies que les "projets", d'autres manières d'aborder les problèmes et d'y répondre, d'autres pistes pour construire les connaissances en allant à la rencontre des autres.

Nous nous sommes frottés, parfois affrontés, mais nous nous aimions et sa disparition soudaine laisse un vide, un froid terrible auquel je n'étais pas préparé.


Hugues, je te garde au chaud, tout près de mon cœur.

Hugues Robaye

J'ai en moi à tout jamais cette admiration et gratitude pour la démarche DIOBASS : communication entre paysans et techniciens, faire du paysan un paysan-chercheur, recherche-action sur le terrain, diffusion des résultats. Un travail de Titan initié et porté par HUGUES DUPRIEZ qui a pris un autre chemin avant-hier.


Je me souviens de nos rencontres avec ce Grand Frère éminent, de celles qui en furent la conséquence, au siège de DIOBASS Burkina, aux 1200 Logements, avec DJIBRILLOU KOURA & LÉON ZONGO. Des essais au village de Bendogo...

Bon voyage à vous, Divin Agronome.

Isidore Toyi

Que son souvenir puisse perdurer le plus longtemps possible après des personnes qui l'ont aimé et côtoyé.

Quant a moi chaque fois que je rencontre un paysan je me rappelle et me rappellerai de lui: « avant d'enseigner a un paysan, essaies de comprendre ce qu'il fait et pourquoi il le fait ».


Sans oublier les innombrables meilleurs souvenirs de Nivelles, Louvain-la-Neuve et même de Bujumbura.

Mariam Sow


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L'agroécologie, on la vit et voilà !

Très chères amies Michelle, Colette et mes chers enfants Benoît et madame, Patrick et tous les enfants de Hugues, c'est hier au moment où j'écrivais le chapitre sur la formation en agroécologie de 1994, un atelier organisé par Enda Pronat, Enda Graf Sahel et Terres et Vie qui a duré un mois entre 3 différentes zones écologiques du Sénégal, Sob, dans la région de Kaolack, la Zone des Niayes et Fandène dans la région de Thiès.

Je me souvenais des moments forts avec cet amoureux de l'agriculture africaine.

Je revivais les moments très forts et des propos de mon cher ami Dupriez lors de cet atelier international en écrivant ce chapitre.

Je le cite : « Mariam, tu vas être ma complice en changeant tout le dispositif des chaises et tu as vu ils se sont positionnés comme des élèves qui attendent leur professeur. Nous allons remettre les chaises en circulaire et faire rentrer les 60 paysannes et paysans venus des différentes régions du Sénégal et les 20 techniciens venus de toute l'Afrique ».

Et ces derniers ripostaient pour dire qu'ils ne peuvent pas apprendre avec les paysans car, ils ne sont pas du même niveau. « Et d'ailleurs nous voulons la définition de l'#agroécologie. »

Avec sa pédagogie où les terroirs étaient les livres, les arbres à palabres des villages servaient de salle de cours, des maquettes ont servi de rapports où chaque rapporteur.e avait son bâton à la main pour lire sa maquette, les travaux de groupes ont permis aux paysannes/paysans de participer de manière égalitaire avec les techniciens et instaurer une écoute mutuelle entre tous les participants de l'atelier, paysans techniciens.

Le succès de notre grand animateur Hugues Dupriez a été la reconnaissance des techniciens au monde paysan et d'accepter qu'ils ont beaucoup appris des paysannes et paysans plus qu'ils n'ont données.

Une certaine familiarité naquis entre eux et chacun pleurera de la séparation de son côté.

C'est au moment de la clôture que Hugues a rappelé la première question des techniciens au premier jour de l'atelier avec sa grande voix et ses paroles qui sortent du fond de son cœur et je le cite : « Chers amis techniciens, agronomes, animateurs et autres scientifiques parmi nous, le premier jour vous m'avez demandé de vous donner la définition de l'agro-écologie ; vous venez de la vivre avec les communautés paysannes que vous accompagnez dans vos pays respectifs.

L'agro-écologie, on la vit et voilà ! Un mois durant, vous avez visité et fait la lecture des différents terroirs avec ses habitants, vous avez analysé ensemble le passé de ces terroirs leurs situations actuelles et les causes de ces changements et proposé des solutions justes et équitables pour les générations futures. Personnes ne peut définir l'agro-écologie à la place des habitants de la communauté. Il faut retenir que l'agro-écologie est un projet sociétal. »

Ce cours de formation et plusieurs autres ateliers conduits au Sénégal, au Burkina et au Tchad où j'étais toujours à côté de Hugues et j'avais toujours à répéter Hugues plusieurs fois à l'animation et la traduction du français en langues locales avec le wolof et le pulaar qui est une langue de toutes la région.

Ma proximité à Hugues est une des causes principales qui a renforcé le déclic de Enda Pronat vers Pronat action.

Donc mes condoléances les plus sincères à toutes sa famille aux amis communs: Djibril Coura, du Burkina, Mamadou Goïta du Mali, Sylvain Mapatano du Congo, Hugues Deboslter, Thierry Carton de Bruxelles, Hélène et Sophie qui m'ont toujours donné les opportunités de voir mon ami à chaque fois que je suis à Bruxelles.

Repose en paix mon cher ami, que la terre de la Belgique te soit légère.

Paul-Emile Dupret

Toute ma solidarité et tout mon respect pour le travail de Hughes Dupriez sur les cultures associées que j’ai connu quand je travaillais en Colombie et que nous avons traduit tant c’était utile pour notre travail de terrain. Un vrai agronome qui a écouté et compris les paysans et leurs magnifique techniques. Respect !

Sylvain Mapatano

 

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Je n'ai pas eu de mot pour dire mon amertume et celle de tous ceux autour de moi qui ont connu Hugues dans nos villages. à l'annonce de cette triste nouvelle. Il m'a pris la main très tôt et a parié sur moi, un vrai mentor avec qui nous avons construit de nombreuses complicités.

Des moments forts de ce parcours j'en garde au fond de moi. Ils ne permettront jamais de l'oublier.

Sylvain Mapatano de la Plateforme Diobass au Kivu - 2005

Interview sur l'avenir du pays pour le documentaire « Bukavu, ville d'entreprises » réalisé par 3TAMIS.
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