RDC – L’arnaque des PAI – Le maïs, nourriture ou produit financier ?

Pourquoi la mise en avant de la culture industrielle du maïs ?

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Maïs et farine de maïs : la RDC importe essentiellement du maïs et de la farine de maïs à Kinshasa pour les besoins de l’aide alimentaire. Au Katanga et dans les deux Kasaï, où le maïs est la composante essentielle de la consommation alimentaire avec le manioc, le grand déficit de la production locale oblige la RDC à importer massivement, surtout des pays voisins et d’Afrique du Sud, des quantités relativement importantes car des sources informelles parlent de 200.000 tonnes par an, mais une information qui n’est pas confirmée par le service des statistiques de la DGDA. Jean Louis Ndonda Université Kinshasa 2009

En 2014, selon les officiels, la RDC a importé pour plus de 1,5 milliard de dollars de denrées alimentaires. Il est important de se rappeler qu’il s’agit d’une estimation basée sur des statistiques aléatoires vu l’état de l’Etat, en particulier du service des douanes qui manque de moyens pour assurer ses missions et qui pour survivre, participe au détournement et à la corruption…


Un peu d’histoire - « Maïs » traduit littéralement comme « ce qui soutient la vie » par les Aztèques et les Incas, aurait été domestiqué il y a environ 7.000 ans dans le centre du Mexique. Il a été introduit en Afrique il y a 500 ans, mais il faudra attendre encore 200 ans pour être définitivement installé en Afrique australe. Une fois établi dans ce qui est maintenant l’Afrique du Sud, le maïs a été largement utilisé comme plante potagère pour soulager la faim pendant les longues périodes de soudure (entre deux récoltes) du sorgho qui était l’aliment de base de l’époque. African Centre for Biosafety – ACB


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A quoi sert le maïs ?

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Du whisky au carburant de fusée, le maïs entre dans la composition de multiples produits alimentaires et non alimentaires. Distillé, le grain de maïs peut aussi devenir un alcool de bouche (gin, whisky…). Dans l’industrie de la semoulerie, il servira à la fabrication de bières. Les semoules serviront également à la fabrication de plats traditionnels (polenta, tortillas…) et aux préparations alimentaires telles que les céréales du matin ou les biscuits apéritifs. Un quart des produits proposés en rayons de supermarché contiennent du maïs ! 

L’amidon du maïs et ses dérivés sont aussi utilisés pour fabriquer le papier, le carton, les sachets plastiques biodégradables, le dentifrice, les déodorants, les perfusions de glucose, les excipients des médicaments, les colles, les détergents et même le carburant de fusée ! Bref, le maïs est partout, jusque dans les étoiles ! 

L’industrie de l’amidonnerie travaille les grains et les sépare en amidon, en gluten, en huile et en résidus. L’amidon de maïs servira d’épaississant, de liant, de gélifiant, d’édulcorant, de colorant, d’acidifiant… autant de propriétés incontournables dans l’industrie agro-alimentaire. Une fois l’amidon utilisé, l’industriel va également extraire l’huile contenue dans le germe du grain. Utilisée en assaisonnement et en friture, elle peut aussi être transformée en margarine. Ferme Lambert.fr

Alors ?

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Certes le maïs est un aliment de base important dans le Monde, mais… cultivé industriellement, il est surtout « OGM – Organisme Génétiquement Modifié / GM – Genetically Modified » utilisé pour nourrir le bétail dont le rendement alimentaire est faible et l’impact écologique négatif énorme, et pour en extraire l’amidon, un composant utilisé dans quantité de produits transformés à « haute chaîne de valeurs » qui en achetant ces préparations, vous font payer « l’eau au prix de la viande », puisqu’il y a souvent plus d’additifs que de produit annoncé !

La culture du maïs représente 41 % de la production mondiale de céréales, 70 % de cette production étant destinée à l’alimentation animale, la fabrication de biocarburants (l’éthanol) devenant d’autre part et depuis quelques années un débouché de plus en plus important pour cette culture. Près de 60 % de la production mondiale de maïs est le fait des seuls Etats-Unis (15 % pour deux Etats américains : l’Iowa et l’Illinois), les autres grands producteurs mondiaux étant la Chine, l’Union Européenne, le Brésil, l’Argentine, etc.  (Et l’Afrique du Sud)

Le plus important marché réglementé des échanges de maïs est le CBOT – Chicago Board of Trade(du groupe Chicago Mercantile Exchange – CMETrader Finance

Le maïs est avant tout un produit financier hautement spéculatif, bien loin d’une quelconque préoccupation de souveraineté alimentaire et de droit à l’alimentation, puisqu’il se vend et s’achète sur le marché de l’économie virtuelle, la bourse casino !

Parmi la nébuleuse mafieuse de l’économie virtuelle, de nombreuses sociétés de bourse proposent l’idée d’« Investir et trader du maïs en ligne » ! Les cours du maïs connaît de fortes variations de prix en « USD par boisseau » (1 boisseau = 25,4 kg) : exemple, au 18 août 2015 le boisseau vaut 365,75 cents USD alors qu’il valait 717,50 cents USD en 2008 !

Selon Business day ZA, un journal sud-africain spécialisé en économie : The upward trajectory in the maize price continued despite global food prices falling to a six-year low last month. A crippling drought has affected maize output and will see the country importing the staple to plug a shortfall. La trajectoire ascendante du prix de maïs continue malgré les prix des denrées alimentaires mondiaux tombant à un plus bas niveau en six ans, le mois dernier. Une sécheresse dévastatrice a affecté la production de maïs et verra le pays importer ce produit de base pour combler le déficit. BDlive 150807 High maize price defies fall in global food prices

Alors, une des raisons du Marché International de Kinshasa, un des maillons de la chaîne de valeurs du PAI Bukanga Lonzo : Accéder aux marchés internationaux, l’un des arguments fallacieux pour le développement agricole de la RDC présenté par les agro industriels et leurs promoteurs (FAO, BM, coopérations internationales, etc.) ! Une extension de ce marché quotidien des ventes aux enchères sera le E-commerce en ligne (sur le web), branche du marché des produits frais, vendant principalement des produits provenant des fermes du S.E. Parc agro aux acheteurs mondiaux. Marché International de Kinshasa

Il serait plutôt naïf de croire que la production totale du parc de Bukanga Lonzo servira à combler le déficit alimentaire national congolais, voire suffira à nourrir Kinshasa…  Sinon, pourquoi construire un nouveau temple de la spéculation alors que l’argumentaire affirme que la production devrait aller directement à l’assiette du consommateur congolais ?

Bizarre ? Non, si vous acceptez que le gouvernement suive les politiques capitalistes qui démontrent en 2015, leur absurdité : Brésil, Chine, Inde, Russie, Afrique du Sud – les « BRICS » auxquels j’associe les pays du pétrole arabe peu cités, n’ont en rien produit de la richesse « durable » pour tous ; en Europe, toujours en 2015, la crise de l’élevage intensif est arrivé à un stade d’autodestruction ; aux Etats Unis, la situation n’est pas meilleure avec entre autre, la malbouffe qu’elle produit… 

Le maïs OGM dans les parcs agro industriels

Sous le « prétexte oh combien généreux » de nourrir tout le monde, c’est à dire sans doute les Congolais mais l’Afrique et pourquoi pas le Monde (j’imagine que la population n’en demande pas tant, car plutôt inquiète de son propre sort…), oui oui, j’ai lu cela dans les discours officiels et des pro-OGM, le gouvernement Matata sous l’égide du Président a introduit avec le sourire ce qui est devenu l’un des poisons de la RDC, le maïs OGM / hybride et, son corollaire, la spéculation alimentaire !

Il est important de se rappeler que le maïs fourni par l’USAID, (organisation censée aider la population à un avenir meilleur…) est OGM voire hybride ! USAID Comment faire pour que le monde ait faim de cultures génétiquement modifiées Vous avez remarqué la formulation du titre : « pour que le monde ait faim » !

Les 4 parcs agro industriels (Bukanga LonzoN’Sele DAIPN,Kitoko Food et Terra) produisent du maïs comme culture principale. Seul Terra affirme utiliser des variétés biologiques (non OGM)… Terra Nos produits Quant au gouvernement censé protéger les consommateurs, silence radio sur les OGM ! 

Africom Commodities, gestionnaire du PAI de Bukanga Lonzo, suit l’exemple de Cargill. Cargill est une des plus grandes transnationales de l’alimentation souvent citée avec les Monsanto, Nestlé et autres Cie, comme faisant partie des mafias de l’agro-business (non-respect des droits humains, de l’environnement, tromperie sur les produits, et j’en passe). Cargill en est venue à prendre – comme le rapporte d’ailleurs avec fierté l’un de ses responsables – le « contrôle total » de la chaîne alimentaire dans certaines filières, comme celle du poulet, qui est élevé, abattu et transformé dans les propres installations de la firme, transporté via sa flotte, et distribué dans des supermarchés appartenant aux deux principaux actionnaires… de Cargill. CETRI – Les dynamiques d’expansion de l’agrobusiness au Sud Pour comprendre comment fonctionne ce système mafieux, lire « Monsanto, Pioneer, Cargill, Tiger Brands: GM Maize Cartels Gorge Profits on South Africa’s Poor »

Le maïs GM nécessite

Des pratiques agricoles dites industrielles (monoculture, réduction de la main d’œuvre, destruction des systèmes de vie communautaire, pollution par l’utilisation de la chimie à tous les niveaux, destruction des sols (malgré la pratique du no-till – non labour), accaparement des meilleures terres et de l’eau, empoisonnement de l’eau par les intrants chimiques, assèchement des rivières due à l’irrigation intensive particulièrement en sol sablonneux, empoisonnement par épandage aérien et dispersion par le vent, etc.

La fuite des devises car il nécessite l’importation d’intrants et de machines,

Cultures destructrices de la biodiversité, de l’environnement, du tissu social, ayant pour effet pervers l’augmentation de la pauvreté et l’enrichissement des « majors » de l’agrobusiness, puisque instrument financier de la nouvelle économie mondialisée !

Il fait partie d’un enjeu financier considérable organisé par les transnationales de l’agro business, joué dans les bourses dédiées comme la CBOT – Chicago Board of Trade

Seule les grosses entreprises agricoles ayant une capacité financière et une surface de culture suffisante, peuvent se payer ces graines, vu leur prix d’achat et le coût de l’agriculture toxique (engrais, pesticides, herbicides fongicides, irrigation, machines complexes, smart agriculture, et j’en passe !) raison pour laquelle ce maïs est vendu dans les pays qualifiés de riches ! Lettre ouverte aux agriculteurs progressistes qui s’apprêtent à semer du maïs transgénique 2006 et Climate-Smart Agriculture: the Emperor’s new clothes?

Dépendance totale de l’agriculteur vis-à-vis des producteurs OGM / Hybride F1. Rappel, il est inutile de réserver une part de sa production pour l’ensemencement de la campagne agricole suivante : la graine est stérile ! L’agriculteur est obligé d’acheter de nouvelles graines ; il aura travaillé pour les « investisseurs en bourse » : tout bénéfice pour la transnationale, ses actionnaires et les intermédiaires ! Les hybrides, des OGM silencieux dans nos assiettes La FAO, la BM, la main sur le cœur, affirment soutenir l’agriculture familiale et de l’autre, soutiennent les PAIs gros utilisateurs d’OGM et d’hybride F1 ! Voir PAIs FAO complice ? et PAIs BM Complices ?  Pendant ce temps, sous la propagande « d’engagement social », les familles entourant le parc de Bukanga Lonzo, sont en fait « accompagnées » à devenir dépendant de l’agriculture toxique…

Rendement à l’hectare déficitaire dans le temps, par rapport à l’agriculture familiale biologique.

Productivité par homme (agriculture intensive) déficitaire par rapport à la productivité au mètre carré (agriculture paysanne) … si vous voulez nourrir beaucoup de monde il faudra revenir à une agriculture paysanne ! » Agriculture par Claude et Lydia Bourguignon

Le rapport PDF de l’African Centre for Biosafety – ACB sur le maïs OGM en Afrique du Sud est éclairant sur ce qui va se passer en RDC à la suite des installations successives des PAIs. Extraits : … Un groupe limité d’entreprises a fixé le prix du pain et la farine de maïs et a complètement maîtrisé la « chaîne de valeurs » et presse les plus pauvres du pays, au nom de la liberté d’entreprise et de son aspiration à atteindre le statut de classe mondiale parmi leurs pairs internationaux. … and a select group of companies, have fixed the price of bread and maize meal, and have commandeered the entire value chain and continue to squeeze the poorest in our nation in the name of free enterprise and aspirations of attaining ‘world class’ status amongst their international peers. 

Ce que nous (ACB African Center for Biosafety) avions longtemps soupçonné : la chaîne de valeurs du maïs sud-africain est complètement saturé d’OGM, privant des millions de Sud-Africains de la liberté de choisir quoi manger.  What we (ACB African Center for Biosafety) had long suspected, that the South African maize value chain is completely saturated with GM, robbing millions of South Africans of the freedom to choose what to eat. In such a scenario, a labelling system does nothing to alleviate this; it is like the sham election where everybody knows the winner before the first ballot is even cast. … 

Dessin humoristique de Schwartz

Last but not least, l’article montre que le modèle d’agriculture industrielle est censé être le moyen de sortir des millions d’Africains de la pauvreté et de la faim. Mais le rapport ACB montre que le système ne fait, en fait, que « tout simplement » perpétuer les siècles d’inégalités qui déchirent le continent. Last but not least, this model of industrial agriculture is being punted as the means to deliver millions of Africans from poverty and hunger. This briefing illustrates that the current system is doing neither, but merely perpetuating centuries old inequalities that have wracked the continent. 

C’est bien le descriptif d’un capitalisme débridé pour qui le Respect de la Personne n’est pas une valeur importante.A voir les nombreux reportages consacrés à l’économie, la santé, l’environnement, etc. en l’Afrique du Sud, la population est encore loin de profiter de ce qui devrait être un autre paradis sur terre…

En Afrique du Sud, la pire sécheresse de ces 30 dernières années – 15/11/15

Présentation de l’Afrique du Sud par USAID – 180923 qui devrait balayer devant sa porte quant aux inégalités aux USA) : Alors que l’Afrique du Sud a connu une croissance économique importante, le nombre de personnes vivant dans la pauvreté a augmenté au cours des deux dernières décennies. Cette région (Botswana, Lesotho, Namibie, Afrique du Sud) présente l’un des plus hauts niveaux d’inégalité des revenus dans le monde. While Southern Africa has seen significant economic growth, the number of people living in poverty has grown over the last two decades. This region has some of the highest levels of income inequality in the world. 

Toujours selon le rapport African Centre for Biosafety cité ci-dessus : « Key Findings » – En 1998, l’Afrique du Sud est devenue (et le reste) le premier pays au Monde à cultiver une variété (GM) génétiquement modifiée de son alimentation de base. À partir de 2012/13, plus de 80 % du maïs blanc planté en Afrique du Sud était de la graine OGM. Deux entreprises (Monsanto et Pionnier Hi-Bred) contrôlent le marché intérieur; …In 1998 South Africa became (and remains) the first country in the world to cultivate a genetically modified (GM) variety of its staple food. As of 2012/13, over 80% of the white maize planted in South Africa was from GM seed. Two companies (Monsanto and Pioneer Hi-Bred) control the domestic seed market; etc.

Depuis 1998 ! Je n’ai pas trouvé d’informations permettant de croire que le choix politique en ZA ait amené richesse et bien être pour l’ensemble de la population sud-africaine, grâce à la maîtrise des fameuses « chaînes de valeurs » de la production, prônée par la FAO, BM et autres complices de la spéculation alimentaire…

Toute ressemblance avec la RDC ne serait que fortuite ? Aucunement, même si de manière plus extrême, la politique capitaliste en RDC conduit à l’absence d’état de droit à tous les niveaux de la société.

Pour Africom commodities, entreprise sud-africaine et gestionnaire du Parc de Bukanga Lonzo : La première phase du Parc d’Activité Agricole est centrée sur la production de cultures de base (maïs). La production de maïs est unique en ce qu’elle constitue une base de nourriture pour non seulement les humains, mais aussi les animaux. La production de maïs en phase une formera, par conséquent, la base d’une production future d’aliments pour animaux. Gardant à l’esprit que l’axe principal est de créer non seulement un marché agricole et de cultures, mais également une chaîne de production durable, c’est-à-dire de la plantation du matériel de base (matériel brut sous forme de maïs) directement au produit final étant un morceau de viande sous forme de poulet sur la table des consommateurs.  parcagro.com

Le choix du gouvernement Matata sous l’égide du Président Kabila, soutenu par les tenants de l’économie casino est de résoudre la question du droit à l’alimentation par la production de manière intensive d’une alimentation OGM / hybride pour « répondre au marché et exporter ». Cette économie-là n’a jamais résolu le problème de la faim dans le monde et en particulier en RDC où les paysans seront les laissés pour compte.

Une terrible arnaque.

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